Mireille Lefèvre : "MINES ParisTech est leader du projet européen EnerGEO".
Les besoins énergétiques augmenteront de 40 à 50 %, entre 2003 et 2030, estime l’Agence Internationale de l’Énergie. Face à ces chiffres, gouvernements et institutions proposent des solutions plus ou moins ambitieuses en termes de mix énergétiques. Différents scénarios sont élaborés, alliant production d’énergie verte, nucléaire et utilisation d’énergies fossiles. Toute la difficulté est ensuite d’évaluer l’impact des scénarios en termes de coût, de conséquences pour l'environnement et, surtout, pour la santé humaine.
Pour répondre à ce défi, le projet européen EnerGEO, a réuni de nombreux partenaires scientifiques de plusieurs pays. Le Centre O.I.E. – MINES ParisTech/ARMINES a été l’un de ses principaux investigateurs.
Achevé en novembre 2013, ce projet a permis de développer des outils pour comparer l’impact des différents scénarios envisagés par les politiques énergétiques actuelles.
Particules fines et espérance de vie : bientôt un simulateur en ligne MINES ParisTech a été particulièrement impliquée dans l’étude de la pollution atmosphérique produite dans le cadre de chaque scénario énergétique. Mireille Lefèvre, ingénieur de recherche en charge de la partie technique du projet, explique que « le Centre O.I.E. a notamment développé de nouveaux algorithmes de calcul qui permettent d’évaluer les effets des particules fines sur l’espérance de vie, en intégrant les concentrations en polluant de 2005 à 2050. Chercheurs et décideurs pourront bientôt visualiser les résultats sur une plateforme en ligne destinée à l’aide à la décision ». |
Les résultats d’EnerGEO montrent que, quel que soit le scénario choisi, les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre prennent peu en compte l'impact des particules fines sur la santé humaine. Elles correspondent à une perte de 80 jours par individu, en moyenne, en Europe. Un gain est observé lorsque des moyens de contrôle optimaux sont mis en place afin de garantir l’application des politiques. Les pertes se réduisent alors à 70 jours par individu.
Dans le cas où les politiques énergétiques actuellement en cours dans les différents pays d'Europe seraient conservées, la perte d’espérance de vie dépasserait les 3 mois et demi (107 jours en moyenne pour l’Europe). Le scénario prenant en compte les politiques en cours en 2005, utilisé comme référence, aboutit à des pertes allant jusqu'à 222 jours, à l’horizon 2050, pour les Pays-Bas (cf. "scénario pessimiste").
Le scénario pessimiste : la réduction d’espérance de vie de 2005 à 2050, si l‘on conservait le modèle énergétique de 2005, varie de 24 jours (Norvège) à 222 jours (Pays-Bas) par individu.
Ces moyennes cachent de fortes disparités géographiques. Selon les résultats d’EnerGEO, en Europe ce sont les Pays-Bas et les pays d’Europe centrale et de l’Est qui sont les plus fortement touchés par l’impact de la pollution atmosphérique liée à la production énergétique. Les pays du Nord de l’Europe sont au contraire ceux qui s’en sortent avec le moins de dégâts. Ces disparités demeurent avec le scénario de réduction maximale, à l’exception notable de la Turquie.
Pour qui s'étonnerait de trouver les Pays-Bas en si mauvaise posture, précisons que les pays du Benelux sont particulièrement pollués en raison du combustible fossile nécessaire pour alimenter leurs centrales thermiques. « De plus, les ports de Rotterdam et Anvers qui sont parmi les 20 plus gros mondiaux, et parmi les 5 plus gros d'Europe avec ceux d'Amsterdam et Hambourg, sont très demandeurs en énergie », explique Mireille Lefèvre.
Scénario de réduction maximale des émissions (bouquet énergétique presque à 100 % d'énergie renouvelable + contrôle maximum des émissions).
En octobre 2013, le Centre International de Recherche sur le Cancer déclarait d’ailleurs les particules atmosphériques fines comme étant des agents cancérigènes. Et les effets néfastes ne s’arrêtent pas là. On évalue en effet à environ 60 000 € le coût pour la société d’une année de perte d’espérance de vie [1]. Un manque à gagner évident.
La préservation de l’espérance de vie humaine nous concerne tous. Pour la première fois, des facteurs médicaux, comme le diabète, l’obésité, mais aussi la pollution atmosphérique, pourraient inverser l’augmentation de l’espérance de vie.
Point positif, la législation européenne actuelle de réduction des gaz à effet de serre adoptée en 2008 (Plan Climat = 20 % de réduction d'émissions en 2020 par rapport à 2005) diminuerait la dégradation de l’espérance de vie par rapport au scénario de 2005. Le gain relatif varierait de 10 % en Europe de l’Est à 20-30 % en Europe centrale et de l’Ouest.
Le constat est que la législation en cours n’est actuellement pas respectée. Si les législations envisagées intégraient des technologies plus avancées de contrôle des émissions, le gain dépasserait largement les 40 % pour atteindre même 60 % en Turquie. La bataille est donc loin d’être gagnée mais tout reste encore à jouer.
Augmentation relative de l’espérance de vie : (à gauche) avec diminution des particules fines grâce à la législation Plan Climat 2008 ; (à droite) en intégrant des technologies de contrôle plus avancées.
Article rédigé par Laurence Bianchini - MyScienceWork.
[1] Valeur utilisée dans un rapport du programme européen ClimateCost : Holland et al. (2011).
Par ailleurs, l’institut de veille sanitaire utilise une estimation centrale de 86 600 euros.
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